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Contribution du SG au colloque international de l'USFP du Maroc


Rédigé le Mercredi 1 Mars 2017 à 04:29 | Lu 731 fois | 0 commentaire(s)



Contribution du SG au colloque international de l'USFP du Maroc
Je réponds à votre invitation avec d’autant plus de plaisir que vous nous conviez à engager une réflexion sur les perspectives d’une coopération solidaire pour la paix et le développement.
 
Chers camarades,
 
On connait l’antienne : il n’y a pas de développement sans paix ; il n’y a pas de paix sans développement.
 
C’est sous l’angle de ce double axiome que je vous propose de procéder au survol et à l’identification des enjeux liés à la coopération non sans faire observer que l’analyse portera, non pas seulement sur l’Afrique de l’Ouest, mais sur le continent africain en général.
 
D’abord, et comme l’indique avec justesse le thème de ce colloque, la coopération comporte un enjeu de sécurité collective. En effet même si ce n’est pas un défi nouveau, le terrorisme est devenu, dans un contexte d’instantanéité et de mondialisation de l’information, une menace globale qui étend ses tentacules aux quatre coins du monde. Nous assistons à une globalisation de la menace terroriste à laquelle il faut opposer une mutualisation des moyens de lutte.
 
Comme le terrorisme, la question migratoire est un défi global qui peut être source d’instabilité. L’analyse des tendances démographiques et économiques conforte l’idée que nous sommes entrés dans une nouvelle grande période migratoire. Dans ce contexte, le traitement de la question migratoire devra nécessairement être lié à la croissance démographique, à la mondialisation de l’économie et à l’urgence qui s’impose de la maîtriser pour lui donner une dimension humaine et pour promouvoir une réelle politique de co-développement. En effet, une gestion concertée prenant en compte les causes, manifestations et effets du phénomène, en dehors de tout sursaut de nationalisme mal placé, peut aboutir à de meilleurs résultats pour les pays d’origine, de transit et de destination.
 
L’enjeu de sécurité doit être également analysé en rapport avec la croissance démographique. En effet, si les prévisions se confirment, des inégalités vont apparaitre dans la répartition de la population mondiale qui sera caractérisée par un accroissement et un rajeunissement spectaculaires des habitants dans une majorité de pays pauvres et par un vieillissement des habitants des vieilles nations industrialisées. En 2050, 9 enfants sur 10 âgés de moins de 15 ans vivront en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Si cette situation n’est pas anticipée et gérée dans une stratégie concertée, elle sera source de tensions dans le monde.
 
Enfin, et toujours en rapport avec l’enjeu sécuritaire, il y a le changement climatique qui, comme nous le savons, est un défi au bon sens parce qu’il nous appelle à prendre conscience que nous sommes proches du point de non retour. Notre continent, qui a le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre, est l’une des régions du monde les plus exposées aux effets néfastes des dérèglements climatiques.
 
La gouvernance démocratique apparaît également comme un enjeu capital pour la paix et la stabilité de nos pays. En effet, de nombreuses crises résultent de l’absence de définition d’un processus électoral transparent, maîtrisé, consensuel et donc accepté par les acteurs politiques. La crise démocratique constitue un risque sérieux d’instabilité politique et d’implosion sociale.
 
 
Or, l’exercice de la gouvernance démocratique dépend dans une large mesure de la performance des institutions et de la capacité des acteurs politiques à les mettre en connexion avec leur finalité véritable comme instrument de régulation sociale, de stabilité et de paix.
 
La coopération doit aussi être analysée en rapport avec un autre enjeu, celui de la bonne gouvernance. Nous savons tous que le déficit de transparence dans la gestion des affaires publiques est un facteur qui conduit à une perte de crédibilité de l’Etat et ce, au détriment de l’exercice de ses fonctions primordiales. La bonne gouvernance se caractérise par un ensemble de principes tels que la primauté du droit, la bonne gestion des affaires publiques, l’allocation effective et efficiente des ressources, la lutte contre la corruption, la promotion d’un développement participatif qui associe et implique les populations dans la gestion des affaires publiques.
 
Chers camarades,
 
Tous ces défis nous montrent à quel point notre continent est vulnérable aux menaces de toutes sortes, des menaces qui compromettent  durablement la paix et l’équilibre de la sous région ouest africaine et de l’Afrique. L’un des enseignements majeurs de cette situation est qu’il est grand temps de renoncer à nos vues souverainistes étriquées pour construire une unité politique africaine capable de faire face aux défis actuels et à venir. En cela, il y a un enjeu d’intégration qui doit nous engager à renforcer les instruments et mécanismes d’intégration  inscrits dans les textes de l’UA. Au vu  de la situation globale du continent et des ensembles sous régionaux, il y a lieu de penser qu’un développement économique ne se fera pas dans nos micro-Etats. 
 
S’il est vrai que le processus  d’intégration régionale, inspiré des fondements historiques de notre continent, a donné lieu,  au début des indépendances, à différentes tentatives de mise en œuvre. S’il est également vrai que la politique d’intégration s’inscrit de manière effective et progressive dans la vie des Etats et des peuples africains, force est de constater que le panafricanisme  préconisé par  différents penseurs et dirigeants africains  et de la diaspora a suivi, pour sa transformation en réalités tangibles, un parcours semé d’embûches et semble avoir cédé la place à un modèle de compromis : le communautarisme. Nous sommes toujours victimes  des aspirations souverainistes de nos Etats dont les conséquences immédiates et persistantes se traduisent par des menaces qui pèsent sur la sécurité et la défense de nos frontières,  favorisent, entre autres,  la percée des groupes extrémistes et terroristes et fragilisent  notre économie. 
 
 
C’est le lieu pour moi de saluer la lucidité et la clairvoyance du discours historique de sa Majesté, le Roi Mohamed VI, lors du 28ème  Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba le 31 janvier dernier. En décidant de réintégrer l’Union africaine, le Maroc rejoint sa maison, une maison où il a vocation à affirmer son leadership mais surtout à assumer son destin africain.
 
Chers camarades,
 
Evoquer l’enjeu d’intégration, c’est aussi souligner la dimension économique de l’intégration africaine dans un contexte de crise économique mondiale. Cette intégration économique est devenue une urgence pour éviter une récession des économies africaines du fait de la crise financière et économique internationale. En effet, les conséquences directes des déficits publics dans les pays développés sur nos économies peuvent conduire, si ce n’est déjà le cas, à une réduction de l’aide publique au développement, à la diminution drastique des produits des exportations avec les effets annoncés sur les prix des matières premières, à la baisse des transferts de fonds des émigrés et à d’éventuels déficits publics ; des déficits dont les effets d’éviction sur le financement de l’investissement privé, sur la production, sur l’activité économique et sur l’emploi  pourraient être significatifs. Outre le risque de voir une baisse de la compétitivité des économies africaines, il y a les effets liés à l’inflation sur les produits, denrées et services de consommation courante, en rapport avec ses conséquences sur la famine et sur la pauvreté en Afrique.
 
Chers camarades,
 
Tous ces enjeux dont je viens de faire un rapide survol nous engagent à construire un nouveau modèle de coopération. Mais quelle coopération voulons-nous construire ? Peut-on bâtir une coopération sans tenir compte de la diversification et de la complexification des défis et de leurs enjeux ? Comment garantir l’efficacité des mécanismes de coopération et mettre en œuvre des régulations acceptées et respectées par tous les acteurs? Quels devraient être les nouveaux fondements éthiques et philosophiques de la coopération entre nos Etats ?
 
Vous l’aurez compris. J’aborde ici la dimension prospective du thème de notre réflexion. Si la coopération a toujours été regardée comme une notion clé dans la vie des sociétés humaines, il faut l’analyser aujourd’hui plus que par le passé, en tenant compte des mutations qui ont jalonné notre histoire récente. Ces mutations doivent nous faire prendre conscience de la nécessité de faire évoluer les valeurs fondatrices de la coopération.
 
Dans le contexte mondial actuel, la réalisation d’une coopération plus juste, plus solidaire et plus équitable passe avant tout par une remise en cause de la mondialisation libérale qu’il faut réorienter dans une voie qui sert la finalité humaine. Aux dangers de la globalisation ultralibérale qui créent et amplifient les crises, il faut opposer une gestion plus ordonnée et plus humaine des défis globaux et des rapports entre les Etats.
 
Par ailleurs, et parce que les crises actuelles n’épargnent aucun pays, la manière de les appréhender change radicalement les perspectives de la coopération. A ce sujet, certains facteurs me paraissent décisifs pour trouver à l’échelle internationale des réponses efficaces à ces crises.
 
Le premier facteur suppose un traitement global à une crise globale qui, nous l’avons indiqué, est partie intégrante d’une mondialisation déshumanisée. Dans la mesure où toutes ces crises se tiennent et entretiennent une connexité, toute solution doit prendre en compte les causes profondes aussi bien dans leur évidente relation avec le processus de mondialisation que dans leurs interdépendances.
 
Ensuite, l’impuissance des États même les plus puissants, à relever seuls des défis comme le terrorisme, le dérèglement climatique, la crise migratoire, la prolifération nucléaire, doit nous obliger à opérer un renversement de paradigme dans les relations entre nos Etats pour favoriser une approche inclusive et solidaire. Cette approche multilatérale fondée sur l’inclusion et la solidarité est nécessaire pour combattre un péril comme le terrorisme car, il faut le souligner, aucun pays ne pourra venir à bout d’un ennemi si puissant. La lutte contre le terrorisme exige que nous fassions front commun. En effet, il ne suffit pas, pour lutter contre le terrorisme, de sécuriser l’intérieur de nos frontières, il faut développer une stratégie sous régionale, voire régionale et mondiale, qui implique les pays du Nord à travers un système d’échanges d’informations et de coordination des actions.
 
Enfin, les réponses aux crises actuelles doivent nécessairement prendre en compte leurs causes réelles qui se résument en l’absence d’opportunités dans un contexte de précarité, de pauvreté, de conflits armés et de violations des droits humains. Elles ne doivent plus se fonder sur une approche sécuritaire ou sur des logiques répressives qui, de toute façon, étalent au grand jour leurs limites.
 
Au contraire, et parce que les leçons des crises actuelles nous montrent à quel point la politique est essentielle à l’ordre des sociétés humaines, les réponses doivent se focaliser sur les hommes et sur leurs conditions de vie, conditions de vie qu’il faut sans cesse chercher à améliorer.
 
 
Réfléchir et agir sur les vraies causes de ces crises, et non plus sur leurs effets et manifestations, c’est cela qui permet de construire des réponses efficaces, c’est cela qui permet à l’humanité d’éviter de vivre une réplique plus violente. La vraie politique de coopération, c’est celle qui ordonne les multiples rapports qui traversent notre continent et le monde et propose des solutions globales, inclusives, solidaires et durables en leur assignant une finalité conforme au bien de l’humanité.
 
Enfin, et c’est par là que je vais conclure, cette coopération doit permettre à nos Etats d’affirmer, avec force, la voix de l’Afrique dans la régulation multilatérale et dans la consolidation d’une véritable communauté mondiale dépassant la juxtaposition d’intérêts nationaux.
 
Chers camarades,
 
Ce sont là quelques lignes de force comme contribution à la réflexion sur la coopération et ses enjeux. J’ai voulu mettre en exergue l’exigence d’un changement de paradigme en prenant en compte les mutations de notre époque ainsi que la diversification et la complexification des défis actuels.
 
Je vous remercie de votre aimable attention.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 




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